lundi 11 janvier 2010

Mastérisation de l'enseignement : Une réforme contre les exclus, de l'huile sur le feu !


par Julie Amadis et (Yanick Toutain)
10/01/10 18:09:28


La véritable fonction de la réforme Chatel sur les nouveaux concours d'enseignement est d'évincer de l'Éducation Nationale tous les pédagogues dans l'âme, respectueux des élèves et de leur potentiel innovant.


L'exigence d'un allongement des études de 3 années (1) sélectionnera les étudiants des couches les plus favorisées (2).

Mon expérience en tant qu'assistante d'éducation (« pionne »), assistante pédagogique (sorte de « sous-profs » sans préparation) et les divers stages que j'ai pu effectuer m'ont permis d'observer environ une quarantaine de professeurs en exercice, de la maternelle à la troisième.

Il en ressort que les plus irrespectueux des élèves sont les professeurs de l'enseignement secondaire. Ce qui n'est pas étonnant si l'on regarde les critères qui leur ont permis d'être là ou ils sont. Contrairement au concours de professeur des écoles qui contient, pour presque la moitié des points, des épreuves pédagogiques (construction de séances, analyse de travaux d'élèves...), le CAPES écrit est uniquement disciplinaire; c'est-à-dire par exemple qu'un candidat au concours de maths n'aura que des épreuves de maths pures mais aucune épreuve sur la façon de transmettre les maths.

Déjà, à l'IUFM CAPES, on prépare les jeunes à devenir des bêtes à concours, futurs fonctionnaires.

Lorsque je préparais le CAPES d'Histoire Géographie à l'IUFM de Rouen, mes questions sur la transmission du savoir n'avaient pas de réponse. Ces questions n'avaient pour les profs et les élèves aucun intérêt car le concours n'en faisait pas mention. Tous se préparaient à être fonctionnaires et non des enseignants.


LES OBTUS SONT PROFESSEURS


Les plus obtus, les meilleures mémorisateurs (avec la méthode du « par-coeur ») sont devenus professeurs.
Les reçus au concours, je les ai retrouvés en collège : ils étaient profs, j'étais assistante pédagogique, ils gagnaient 1600 euros, je gagnais 534 euros par mois pour un volume horaire identique et un boulot d'enseignant (avec juste moins d 'élèves pour les assistants pédagogiques).


PROFS QUI PLEURENT, ASSISTANTS A LA RESCOUSSE


Dans la salle des profs c'était les profs qui pleuraient, pas les assistants pédagogiques. Nous étions dans l'ensemble appréciés des élèves et nous pouvions enseigner dans de bonnes conditions contrairement à nos collègues profs du même âge et issus souvent de milieux sociaux plus favorisés que nous. On nous appelait à la rescousse quand la pagaille était trop grande dans une classe.

Nous nous adaptions à toute sorte de situation, classe de SEGPA, cours de français et de maths pour une douzaines d'élèves, atelier langage en maternelle, construction de projets de toutes sortes.
Nous n'avions, officiellement, aucune formation pédagogique, un salaire de misère, aucune perspective d'avenir (un contrat d'un an renouvelable) et aucune possibilité de faire valoir nos acquis pour quelque métier que ce soit dans le domaine de l'enseignement.
Mais nous étions motivés, nous voulions absolument aider ces jeunes que nous respections profondément et nous ne comptions pas nos heures de travail.


DES PRÉCAIRES RESTANT PRÉCAIRES


Mes collègues précaires le sont restés pour la plupart alors qu'ils souhaitaient devenir enseignants titulaires.
Le combat pour la titularisation des assistants pédagogiques s'est heurté à l'indifférence des enseignants titulaires et à la sclérose formoise des syndicats enseignants.


Ce sont des jeunes élites – représentants typique de la strate des répétants - qui peuplent les établissements scolaires. Ces répétants démotivés sont souvent en décalage avec la vie des élèves.

En salle des profs, la grande majorité des enseignants analysait l'échec scolaire par une débilité congénitale chez les enfants ou – la nouvelle mode - une absence de contrôle parental.

Ils ne remarquaient même pas que lorsque l'apprentissage est un plaisir, le flicage – parentale ou scolaire - n'a pas de raison d'être.
Ils étaient incapables de comprendre ces jeunes. Hors de la présence des élèves, la salle des profs était le lieu de leurs moqueries méchantes. Surnoms donnés aux élèves, anecdotes croustillantes, sourires de connivence, etc …
L'ironie dont ils faisaient preuve à l'égard des élèves montre le degré d'irrespect qu'ils avaient pour eux.


IRRESPECT SCANDALEUX DES ADULTES ENVERS LEURS ÉLÈVES


Alors, ne nous étonnons pas après que les élèves réussissent parfois à faire pleurer un de ces profs là. La violence la plus forte est celle exercée contre des élèves qu'on catalogue – dans prononcer le mot - « débile » parce qu'en échec scolaire :


« Ils sont « cons » ou quoi !!!».

Cette expression infamante est plus que courante dans les salles de profs.


Quand on compare la motivation pédagogique des non titulaires et des profs démotivés, on parvient à une conclusion plus que curieuse.


LES MOINS PAYÉS SONT LES PLUS MOTIVÉS


Moins les gens sont payés – tels sont les assistants pédagogiques payés 534 euros il y a deux ans (550 aujourd'hui), plus ils sont motivés. La titularisation - le concours de recrutement - n'est pas un gage de réussite dans une classe.

Dans les collèges d'aujourd'hui c'est exactement le contraire !

Ce constat – paradoxal en apparence - remet en cause toutes les revendications syndicales.


LES SYNDICATS MENTENT


Payer davantage ces enseignants titulaires n'améliorera en aucune façon le sort des élèves. Laisser ces « sous-profs » payés un demi-SMIC dans leur statut honteux est pour les syndicats une infamie révèlant leur nature profonde.
Il ne faut plus augmenter les salaires des enseignants, il faut titulariser les assistants et les payer 1000 euros pour ces 18 heures de « présence élèves ». Et la révolisation ramènera à un niveau de 1000 euros humanistes le salaire de la totalité des enseignants.


CHATEL, DE L'HUILE SUR LE FEU


Le projet de Luc Chatel qui vise à recruter tous les professeurs au niveau BAC+5 - la « mastérisation » - va avoir deux conséquences.

D'une part il va aggraver ce phénomène d'élitisme dans les collèges et d'autre part il va calquer ce modèle d'enseignant dans les écoles primaires et maternelles.


DIPLÔMES ET ORIGINES SOCIALES


Les statistiques nous montrent que plus les gens sont diplômés, plus ils sont d'origine sociale élevée.
Ce phénomène - comme nous venons de le voir - crée un décalage avec les élèves.

Par ailleurs, la paye plus importante promise par le gouvernement ne peut qu'attirer des personnes non motivées par le métier en lui-même.

Un critère permettrait de trier facilement le bon grain de l'ivraie : verser un salaire de 1000 euros à tous les enseignants, le salaire unique mondial.


LA PÉDAGOGIE MISE AU PLACARD


La cerise sur le gâteau de cette réforme est l'absence de critère pédagogique dans les futurs concours.

Les IUFMs préparant le CRPE (Concours de professeur des écoles) restaient des refuges de la pédagogie. Les derniers refuges du questionnement sur « comment transmettre les choses ». Des refuges acritiques d'où Paulo Freire, Freinet et autres Neil ont été évacués depuis longtemps. Mais des lieux de débats quand même.

C'en est trop pour la bourgeoisie qui préfère pouvoir – pour le 20 heures de TF1 - semer puis utiliser la violence dans les collèges – une violence engendrée par des enseignants incapables - plutôt que de permettre à tous d'accéder au savoir. Un choix qui favorise une couverture médiatique fasciste plutôt que l'intérêt de tous les élèves.


LES VICTIMES : LES EXCLUS ENFANTS D'EXCLUS


Les principales victimes de cette réforme sont les élèves de milieux défavorisés en difficulté d'apprentissage.


Ceux que je vois depuis 5 ans exclus au fond des classes.


Ces pauvres gamins qui n'ont jamais pu expérimenter la solidarité dans une classe, se voyant sans cesse humiliés, vont encore subir des gens qui ne les comprennent pas et qui ne cherchent pas à les aider car on les a déjà catalogué comme « futur chômeur ».


Il n'y a rien d'étonnant à ce que cette « haute-moyenne » formoisie des collèges et des lycées ne bronche pas : le passage au recrutement à BAC+5 leur fait espérer une carotte salariale supplémentaire : du fric, du fric, du fric pour ces égoïstes consuméristes dont pas un seul – PAS UN SEUL – n'a jamais tenté de pratiquer ce que j'ai pratiqué depuis 5 ans de façon semi-clandestine : l'apprentissage de la solidarité entre élèves.
La réponse à la violence et à l'échec n'est ni l'augmentation des salaires, ni le recrutement au niveau master, ni toutes ces opérations de communication dont sont friands les petits soldats du sarkozysme. Elle consistera à rétablir l'humanisme à l'école. Humanisme d'enseignants ayant la vocation et travaillant pour 1000 euros par mois dans l'intérêt d'enfants solidaires. Des enfants solidaires apprenant dans l'objectif de leur construction personnelle et de leur apport humaniste.

Cet objectif sera un des buts premiers de la révolisation, un des buts premiers de sa première étape : la révolution anticapitaliste.


Julie Amadis (écriture) + Yanick Toutain (titres, rewriting)


X1 2 ans pour le master plus l'année professionnelle qui était payé dans l'ancien système.

X2 cf critique directeurs iufm + syndicats+CNESER


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