par Julie
Amadis
26/8/2012
Un jour, tous les humains
seront des Innovants. L'innovation est quelque chose de naturel chez
l'homme. Observez les enfants dans une cour d'école et vous
verrez qu'ils inventent de nouvelles choses sans arrêt.
Mais la société
de Répétants (et de Parasites) dans laquelle nous
vivons craint l'innovation. Elle la craint car elle porte en son sein
le changement radical et donc la révolution.
Révolution et
créativité
Victor Serge (Viktor Lvovitch Kibaltchitch Виктор Львович Кибальчич ) relie entre
elles les notions de révolution et de créativité.
« Nous
(il parle ici des révolutionnaires) avons tous quantité
d'erreurs et de fautes derrière nous parce que la démarche
de toute pensée créatrice ne serait être que
vacillante et trébuchante ... »
Victor Serge :
Mémoires d'un révolutionnaire 1905 – 1945 (p 463)
Pour l'écrivain
belgo-russe anarcho-bolchévique qu'est Victor Serge, l'action
révolutionnaire est une action créative. En effet, tout
comme le peintre crée un nouveau tableau, le révolutionnaire
crée une nouvelle société.
Les
classes spoliatrices répétantes combattent les
Innovants
C'est pour cette raison
en partie que les classes sociales spoliatrices répétantes
et parasites cassent les Innovants. On tape les enfants, on les
oblige à rester assis devant un tableau noir toute la journée,
on leur crie dessus s'ils n'obéissent pas ….
La Russie stalinienne –
premier État de la classe formoise répétante à
partir de 1927 - n'aimait pas les Innovants. Elle aimait uniquement
les Innovants corrompus. Maxime Gorki à qui Staline versait
des droits d'auteurs faramineux est le représentant typique de cette innovoisie
stalinienne - une classe privilégiée.
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SOS BOHNEUR
Griffo Van Hamme |
A l'inverse, les
dirigeants de cette Russie éliminent tous les créateurs
qui les dérangent.
Victor Serge décrit
le monde des années 30 :
« En
Russie des écrivains disparaissaient, l'un des plus grands en
tête : Boris Pilniak. »
Victor Serge,
Mémoires d'un révolutionnaire 1905 – 1945 (p
430)
Exister en tant
qu'être humain parce que l'on innove
L'innovant existe par ses
créations. Il n'a pas besoin de posséder des biens
matériels pour se sentir vivant et être heureux de
vivre.
Victor Serge écrit
à quel point le travail intellectuel le comble :
« Mes
dispositions m'ont toujours porté au travail intellectuel. Peu
de satisfactions me paraissent aussi grandes que celles de comprendre
et d'exprimer. »
Victor Serge, Mémoires
d'un révolutionnaire 1905 – 1945 (p 470)
Marx a conceptualisé
le fait que l'être humain prend conscience de son existence par
ses créations.
Il écrit :
« Le
rapport réel actif de l'homme à lui-même en tant
qu'être générique ou la manifestation de soi
comme être générique réel, c'est-à-dire
comme être humain, n'est possible que parce que l'homme
extériorise réellement par la création toutes
ses forces génériques - ce qui ne peut à son
tour être que par le fait de l'action d'ensemble des hommes,
comme résultat de l'histoire, - qu'il se comporte vis-à-vis
d'elles comme vis à vis d'objets, ce qui à son tour
n'est d'abord possible que sous la forme de l'aliénation »
Karl Marx Manuscrits de 1844 (p 63)
Victor Serge confirme les
dires de Marx. Les livres qu'il a écrits sont ce qu'il a de
plus précieux car ils sont le reflet de lui même et la
preuve de son existence en tant qu'être humain.
« C'est
probablement à mes livres que je tiens le plus, mais j'ai
produit beaucoup moins que je ne l'eusse voulu, hâtivement,
sans pouvoir me relire, en combattant »
Victor
Serge, Mémoires d'un révolutionnaire 1905 –
1945 (p 470)
Il a conscience d'être
utile et fait un lien direct entre l'innovation, l'utilité
sociale et l'avancée de l'histoire :
« L'intelligentsia
russe m'avait de bonne heure inculqué que le sens
même de la vie consiste à participer consciemment à
l'accomplissement de l'Histoire. Plus j'y pense et plus
cela me paraît profondément vrai. Cela veut
dire se prononcer activement contre tout ce qui diminue les hommes et
participer à toutes les luttes qui tendent à les
libérer et à les grandir. Que cette
participation soit inévitablement entachée d'erreurs
n'en amoindrit pas l'impératif catégorique ;
l'erreur est pire de ne vivre que pour soin selon des traditions
toutes entachées d'inhumanité. » Victor
Serge, Mémoires d'un révolutionnaire 1905 –
1945 (p 472)
En ce sens Victor Serge
avait conscience de son rôle dans l'histoire et de l'importance
des créations de l'Innovant pour accélérer
l'histoire vers la liberté, la justice et l'égalité.
Même
si il ne dit pas qu'il appartient au groupe des Innovants - il n'a
pas conceptualisé la lutte des strates - il en a conscience …
inconsciemment.
Appartenance à
la strate répétante et pathologie consumériste
Beaucoup de « philosophes » et de
psychologues l'ont remarqué : L'être humain a
besoin de se savoir unique pour exister. Mais, moins nombreux sont
ceux qui complètent l'observation par le fait que si cette
unicité ne se réalise pas par l'innovation, elle se
fera par l'accumulation de biens matériels ou encore par la
pathologie raciste.
L'Innovant est unique
parce que ses créations sont uniques. Celui qui ne crée
pas va donc rechercher des raisons de se distinguer des autres. C'est
pourquoi, une grande partie des Répétants et des
Parasites va s'acharner à accumuler des objets que d'autres
n'ont pas. Un autre groupe (les mêmes parfois) encore a besoin
de se faire croire qu'il y a des races - eux appartenant évidemment
à la race supérieure. D'autres techniques diverses
peuvent encore être utilisées pour combler l'absence
d'inventivité. (médisance, manipulation, etc,
etc......)
L'Innovant non corrompu ne
ressent pas le besoin de consommer au delà des besoins
primaires. Acheter et posséder de nouvelles choses ne lui
donne pas le sentiment d'exister.
Il y a donc un lien direct
entre, d'une part, l'appartenance à la strate des Répétants
et à la strate des Parasites et, d'autre part, le besoin
frénétique de consommer. Quiconque dépense plus
que le revenu moyen mondial est une victime (coupable) de la
pathologie consumériste.
Le malade de
pathologie consumériste ne se bat pas contre le fascisme
Sans utiliser le concept,
Victor Serge méprise les Répétants des sociétés
dites développées, qui se contrefichent du sort des
pauvres. S'il n'a pas conceptualisé le fait que les ouvriers
occidentaux étaient spoliateurs des pays pauvres, il a bien
compris que ces mêmes personnes n'étaient pas prêtes
à renverser l'ordre établi et qu'ils avaient un
comportement plus proche de celui des bourgeois en Russie que de
celui des prolétaires.
Il fait un lien direct
entre la pathologie consumériste de l'ouvrier occidental
spoliateur (formois) [ou rêvant de le faire en devenant formois
à son tour] et son refus de combattre contre le fascisme :
« Contre
le nazisme et même pour la 3ème République
résolue à survivre, tous les révolutionnaires,
comme tout le peuple français , se seraient battus de bon cœur
si cela avait été possible. Mais on ne peut défendre
qu'une société vivante et l'état de
décomposition de celle-ci était trop avancé.
Personne n'y croyait plus en rien, parce que en réalité
rien n'y était plus possible : ni révolution avec
cette classe ouvrière bien nourrie de camembert frais, de vins
aimables et de vieilles idées devenues des mots _
et complètement cernée du reste entre le Reich nazi,
l'Italie fasciste, l'Espagne franquiste, la Grande-Bretagne insulaire
et conservatrice. »
Victor Serge, Mémoires
d'un révolutionnaire 1905 – 1945 p 452
S'ils ne veulent pas se
battre pour la démocratie, c'est parce que ces ouvriers
Français consomment de trop. Il les caractérise par son
« cette classe ouvrière bien nourrie de camembert
frais, de vins aimables»
La situation, en France,
n'a toujours pas changé : alors même que l'armée
française est toujours – en 2012 - présente en
Afrique à soutenir des gouvernements fascistes compradores, il
n'y a aucune manifestation pour exiger « Troupes
françaises hors d'Afrique »
Victor Serge fait le
portrait des « mangeurs de frites » voisins
belges de nos « mangeurs de camembert »
français :
« Le
1er Mai, nous vîmes s'en aller dans ces rues provinciales les
ouvriers endimanchés avec leurs familles, fillettes aux
cheveux noués de rubans rouges, les hommes des insignes rouges
à la boutonnière, tous les visages pleins, les mères
grasses à trente ans, les hommes obèses vers
quarante...Ils allaient à la grande manifestation socialiste
et ils ressemblaient aux bourgeois tels que d'après le cinéma
l'imagination populaire se les représente en Russie.
Pacifiques, contents de leur sort ; j'entrevoyais que ces
ouvriers d'Occident n 'éprouvaient plus aucune envie de
se battre pour le socialisme ni d'ailleurs pour quoi que ce fût. »
Victor Serge, Mémoires d'un révolutionnaire 1905 –
1945 (p 409)
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SOS BONHEUR
Griffo Van Hamme |
Ce que dépeint
Victor Serge correspond exactement à ce que l'on voit tous les
ans lors de la manifestation du 1er mai. La formoisie « de
tous les pays » fait sa manifestation de bonne
conscience... sa manifestation pour « protéger les
salaires », des salaires de spoliateurs du Tiers-monde !!!
Qui servent à quoi ?
A amasser des biens pour –
pensent-ils - « être heureux ».
Ils
ne savent pas à côté de quoi ils passent.
Ils
ont oublié leur enfance...
L'Innovant
révolutionnaire ne comprend pas la logique de vie du
pathologiste consumériste
Le fils de Victor Serge –
adolescent n'ayant connu que la Russie révolutionnaire et
stalinienne découvrant la Belgique de son père - est
abasourdi par ce qu'il voit :
« Le
centre de la ville, avec son opulence commerçante, ses
enseignes lumineuses, la Bourse établie au milieu de la cité,
valut à mon fils, entré dans sa seizième année
d'écolier soviétique, des étonnements que mes
réponses incroyables accroissaient :
Alors
cette grande bâtisse avec ces magasins et ces cascades de feux
sur le toit appartient à un homme – qui peut en faire ce
qu'il veut ? Ce magasin où il y aurait des chaussures
pour tout Orenbourg appartient à un propriétaire ?
Oui, mon
garçon ; son nom est écrit sous l'enseigne, et ce
monsieur a probablement une fabrique, une maison de campane, des
autos...
Pour lui
seul ?
En somme, oui...
Cela
paraissait fou à l'adolescent soviétique, qui reprit :
Mais pour
quoi vit-il cet homme ? Quel est le but de sa vie ?
Son but,
dis-je, est généralement de s'enrichir et d'enrichir
ses enfants ….
Mais, il est
déjà riche ! Pourquoi veut-il s'enrichir encore ?
D'abord, c'est injuste – et puis, vivre pour s'enrichir, mais
c'est idiot ! Et ils sont tous comme ça, tous les
propriétaires de ces magasins ?
Oui mon
garçon, et s'ils t'entendaient parler, ils te croiraient fou
– un fou plutôt dangereux … »
Victor Serge,
Mémoires d'un révolutionnaire 1905 – 1945, p 409
Les questions du fils au
père montrent à quel point ceux qui en veulent toujours
plus sont malades.
CYCLES INNOVANTS
Le
témoignage qui précède date du retour de Victor
Serge et de son fils en 1936. Il voit cette période comme une
période de montée réactionnaire et anti -
innovante donc de perte d'influence pour les membres du groupe des
inventeurs– ce qu'il ne nomme pas – la strate des
Innovants.
Mais, en tant que membre de cette strate des
Innovants,Victor Serge avait le sentiment d'être en décalage
avec son époque. A l'époque où il écrit,
les Innovants sont moins nombreux qu'avant la Première Guerre
mondiale.
« J'étais
trop jeune auparavant pour juger bien ce qu'il en était dans
la société européenne antérieure à
la Première Guerre mondiale ; mais j'ai l'impression que
la pensée la plus audacieuse y rencontrait meilleur accueil, y
trouvant par conséquent plus de possibilités de
vivre. »
Victor Serge, Mémoires d'un
révolutionnaire 1905 – 1945 (p 474)
J'ai –
personnellement - la même impression lorsque je compare les
années 70 aux années 2000. Les périodes
révolutionnaires et pré-révolutionnaires
seraient propices aux innovations tous azimuts.
Que ce soient les
programmes scolaires, le très faible nombre d'enseignants
inventant de nouvelles méthodes pédagogiques, les
journaux dont quasi aucun ne prend le risque d'informer la population
sur les crimes de la France en , les nouveaux musiciens, les leaders
de mouvements sociaux plus occupés à « faire
les chefs » qu'à défendre les opprimés
...
En conclusion :
Victor Serge mesure
l'écart qu'il y a entre une vie faite d'innovations et de
combats pour la liberté et une petite vie égoïste
qui se mesure au prix des objets que l'on possède. Il comprend
le lien qui existe entre la consommation frénétique et
le refus de la révolution.
Pour lui l'action
révolutionnaire va de pair avec une vie d'innovations. Même
s'il n'a pas conceptualisé les trois strates, considère
donc qu'un révolutionnaire est un Innovant et qu'un Innovant
doit être révolutionnaire.
La productivité
historique de Victor Serge en tant que révolutionnaire et
écrivain est importante et il en a conscience. Mais, à
travers sa comparaison entre la vie du révolutionnaire et
celle du Répétant formois occidental, il tourne autour
de cette conceptualisation de productivité historique. Ses
textes, sa vie, permettent aussi de donner corps à ce concept.
Son activité artistique et militante ont rapproché
grandement le jour où nous serons tous des Innovants.
Son
témoignage révèle dans toute sa splendeur ce
qu'est un « productif historique ».
NOTES ET COMPLEMENTS
Victor Serge :
« Mémoires d'un révolutionnaire
1905 – 1945 » Lux Editeur,
2010
Non disponible en ligne
Gorki et les droits d'auteurs : Dans un des textes
en annexe de l'édition précédente de son livre
Mémoires d'un révolutionnaire, Victor Serge donnait des
chiffres sur l'importance pharaonique de ces droits d'auteur que
touchait Maxime Gorki de la part de l'Etat formois russe.