mercredi 1 juillet 2015

Quand les voleurs et faux-monnayeurs du SAC de Pasqua et de Rufenacht protégeaient le 1° ministre Raymond Barre au Havre

un article "oublié" du PS

paru dans "L'Unité " le 16 juin 1978
Signé par Emmanuele Plas

pédagogiquement exhumé
sur l"Havrais Vérité
par Yanick Toutain
pour que les jeunes sachent
 qui était Charles Pasqua

"Et, s'il est vrai qu'il est plus facile d'intervenir à Paris qu'en province,
 il me semble difficile d'étouffer une affaire de faux billets :
 la Banque de France et le ministère des Finances n'aiment pas du tout ça. "
Une affaire de plus où le " milieu " et les milieux politiques de droite sont étroitement mêlés.
Quant au Sac —
cette organisation de police parallèle
 née il y a vingt ans —,
183 de ses membres
ont déjà été inculpés
 dans des affaires pénales.
"

LE HAVRE : LES MAUVAISES FREQUENTATIONS
(par Emmanuele Plas - L'Unité - PS)
16 juin 1978
(les gras dans le texte sont NdE L'Havrais Vérité)




Le Premier ministre avait au Havre une escorte de choix : voleurs et faux-monnayeurs. Tous membre du Sac. Le député R.p.r. du coin n'est pas près de redevenir secrétaire d'Etat... 



Le 29 avril dernier, 4 480 bouteilles de Champagne étaient volées au Havre, près du port. Un mois plus tard, dans la nuit du 1er au 2 juin, au cours d'une patrouille de routine les policiers havrais remarquèrent une camionnette en stationnement dont une porte était ouverte, sans personne au volant. La cargaison : des bouteilles de Champagne de la même marque que celles dérobées le 29 avril. Les policiers firent la planque et ne tardèrent pas à arrêter le chauffeur de la camionnette : Ernest Auger, boucher.
Ernest Auger conduit au commissariat pour être placé en garde à vue, les policiers restèrent en faction autour du véhicule saisi. C'est alors qu'ils observèrent un étrange manège de voitures. Celle du patron du bar « le Pianistique », un certain Georges Malyquevique, dit « Jo », passait et repassait. Les policiers décidèrent alors de se rendre, dès 6 heures du matin au bar de « Jo » pour perquisitionner. Le reste de la cargaison de Champagne volé avait quelques chances de s'y trouver.
Ce n'est pas du Champagne que les policiers havrais découvrirent au «Pianistique», mais un «matelas» de billets de cinq cents francs. Faux, bien entendu, pour la somme de 100 000 francs, dit-on. Or, la semaine précédente, des commerçants de la ville s'étaient plaints d'avoir reçu en paiement de leur marchandise de faux « Pascal ». La brigade spécialisée dans les affaires de fausse monnaie s'était même déplacée depuis Rouen.

Les gros bras de Rufenacht 

Champagne et faux billets : cette affaire serait restée au rang des faits divers si Auger et Malyquevique n'étaient que de vulgaires délinquants, des truands au pied plus ou moins grand...
 « Le 5 juin 1975, dit Denis Launay, conseiller municipal socialiste du Havre, à l'occasion d'une élection législative partielle dans la sixième circonscription, je collais des affiches avec des camarades.
Il était 6 heures du matin quand nous avons vu une camionnette arriver sur nous. Une dizaine de gars armés de manches de pioche en sont descendus. J'ai voulu protéger un camarade avec ma voiture et mon pare-brise a volé en éclats sous un coup de matraque. L'un de nous avait reconnu Auger. J'ai porté plainte le matin même. Auger a été convoqué par les flics, mais il a refusé de donner le nom des matraqueurs. Quant à lui, il ne faisait que conduire la camionnette... »
Quelques jours plus tard, Auger propose à Denis Launay de rembourser les dégâts s'il retire sa plainte. Launay refuse, mais reçoit un chèque — qu'il renvoie — et une lettre signée du « Comité de soutien à Antoine Rufenacht », député chiraquien de la sixième circonscription, dont s'est réclamé Auger.
Il ne sera jamais donné suite à la plainte de Launay. Malgré une lettre de rappel de ce dernier, le 23 janvier 1976 au procureur de la République.
Des plaintes de ce genre contre Auger, Malyquevique et leur bande n'ont jamais eu de suite. Il y en a eu, semble-t-il, de nombreuses, au Havre, ces dernières années.
Les militants socialistes assurent que, lors de la dernière campagne électorale, ils n'osaient plus coller de crainte de se trouver face à ces gros bras du " Comité de soutien à Antoine Rufenacht ". 
Après l'arrestation d'Auger, le Snesup de l'I.u.t. du Havre a publié un communiqué qui rappelle que « dans la nuit du 16 au 17 février 1976, alors que les étudiants étaient en grève à l'I.u.t. pour la reconnaissance de leur diplôme, trois hommes de main munis de talkies-walkies et de matraques s'introduisaient dans l'I.u.t. »
La police, appelée sur les lieux, appréhendait notamment Auger et le patron du « Pianistique 
». « Ces très spéciaux veilleurs de nuit », comme les qualifie le communiqué, prétendirent alors qu'ils étaient là pour assurer la garde d'un enseignant, Yves Laisné, assistant de droit, responsable du Syndicat autonome et adhérent du Front national, venu chercher ses cours après minuit... Le président de l'université déposa une plainte, mais celle-ci fut classée. Lorsque Auger et Malyquevique furent conduits au commissariat — assurent des témoins — ils plaisantaient avec les policiers de permanence, qu'ils semblaient bien connaître. Depuis, un nouveau directeur a été nommé à l'I.u.t. Contre la volonté du conseil d'administration. Ce nouveau directeur a fait de Laisné le chargé des relations extérieures de l'I.u.t. Dans le même temps le rectorat reprenait en main cet établissement considéré comme trop à gauche par Alice Saunier-Seïté : l'ancien directeur était membre du P.c. « Récemment, le recteur a procédé au renouvellement des personnalités extérieures à l'I.u.t. membres du conseil d'administration. Précisons qu'habituellement le recteur nomme ces personnes après consultation du C.a. et des organisations syndicales. Or, cette année, il les a désignées sans aucune consultation. Et, comme par hasard, le C.a. dans sa nouvelle composition ne comporte plus de représentant de la C.f.d.t. ni de la C.g.t., excepté ceux qui sont élus par le personnel. Comment ne pas voir dans cette mesure une sanction contre un conseil qui n'était pas à la botte du Pouvoir ? », dit Dominique Thieulent, employé à l'I.u.t. et militant socialiste.
En 1977, Laisné adhère au R.p.r. et conseille également Rufenacht pour l'organisation de ses campagnes électorales. On le voit d'ailleurs beaucoup au " Pianistique ". 

On murmure dans les salons 

L'enquête sur le Champagne et les faux billets se poursuit, les perquisitions se multiplient — et chacun s'étonne, au Havre, que le député R.p.r. Antoine Rufenacht, ancien secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, ait pu ignorer les activités d'Auger et de Malyquevique. Car, si Auger n'avait jamais été condamné, Malyquevique est un ancien « droit commun » bien connu de la police et de la justice. Rufenacht « ignorait » — c'est en tout cas ce qu'il assure — qu'Auger et Malyquevique étaient membres du Sac (Service d'action civique) alors que ces derniers s'en vantaient à qui voulait les entendre. Quoi qu'il en soit, les deux inculpés de ce récent fait divers étaient de toutes les campagnes électorales du député de la sixième circonscription de Seine-Maritime. Si proches de lui qu'ils faisaient partie du service d'accueil à Raymond Barre, venu soutenir son secrétaire d'Etat le 7 février dernier. Un autre de ces gros bras, lui aussi membre du Sac, Claude Langevin, à qui appartiendrait la camionnette où furent retrouvées les bouteilles de Champagne, faisait partie de la liste conduite par Rufenacht lors des élections municipales de 1977. Un certain Thomas, qui serait aussi impliqué dans l'affaire du Champagne, faisait partie de la même liste et du même service d'accueil. Les commentaires vont bon train dans le deuxième port de France. Le Parti communiste a fait placarder une affiche où l'on voit le Premier ministre souriant entouré de Rufenacht et des deux truands. Côté R.p.r. : un bref communiqué de Rufenacht, où il constate que les deux inculpés n'étaient pas membres du R.p.r. et que l'affaire est entre les mains de la justice. Devant le journaliste qui tente de le pousser dans les retranchements de cette ignorance bien troublante, le député du Havre s'exclame : « Si on veut faire du bruit avec cette affaire, alors il faut faire une enquête sur tous les services d'ordre de tous les partis politiques ! » II déclarait aussi au « Havre libre » : " Beaucoup de personnes gravitent dans mon entourage, alors... " Mais, dans les salons de la Côte — le quartier chic du Havre —, on murmure que « notre député n'est pas près de redevenir secrétaire d'Etat » et que " sa carrière politique est stoppée pour un bon moment : il s'est fait passer un terrible savon par le Premier ministre ". La mise à pied du sous-préfet Diemer, qui semble être la première victime de l'affaire, fait aussi beaucoup parler. Dans les milieux bien informés, on assure que Rufenacht aurait demandé, dès après les élections législatives, la mutation de ce fonctionnaire qu'il ne trouvait pas assez « loyaliste » à son goût. La mutation n'aurait donc rien à voir apparemment avec l'affaire si l'on ignore que le sous-préfet aurait demandé à la police de faire diligence. On dit aussi qu'une partie de la police havraise était lasse de devoir couvrir de telles affaires. Deux inspecteurs qui auraient été trop indulgents, et depuis trop longtemps, avec la « bande à Auger », comme on dit ici, viennent d'ailleurs d'être mutés.

Le Sac et le " milieu " 

En ville, la rumeur publique assure que Malyquevique, en fuite, aurait pu être arrêté par la police puisqu'on l'a vu dans un bar il y a encore quelques Jours. « Mais, s'ils l'arrêtent, déclare un patron de bistrot, il risque de cracher le morceau ; alors on comprend qu'ils n'aient pas fait beaucoup d'efforts jusque-là ! » D'autres patrons de bar, dont les employés servaient à l'occasion de colleurs d'affiches musclés, pourraient être impliqués dans l'affaire des faux billets comme dans celle du champagne. Du côté de la justice, on est décidé à aller jusqu'au bout ; mais, comme le dit un magistrat havrais : " Le juge d'instruction ne pourra faire son travail que si la police fait le sien. Il semble cependant que, telle que l'affaire est partie, aucune intervention ne pourrait sauver Auger — inculpé seulement de recel, pour le moment. Quant à Malyquevique, s'il est arrêté, c'est Paris qui prendra l'affaire en main. Et, s'il est vrai qu'il est plus facile d'intervenir à Paris qu'en province, il me semble difficile d'étouffer une affaire de faux billets : la Banque de France et le ministère des Finances n'aiment pas du tout ça. " Une affaire de plus où le " milieu " et les milieux politiques de droite sont étroitement mêlés. Quant au Sac — cette organisation de police parallèle née il y a vingt ans —, 183 de ses membres ont déjà été inculpés dans des affaires pénales.






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