vendredi 1 octobre 2010

Ce sont les travailleurs de l'usine Breguet du Havre - rejoints par les dockers - qui furent, le 11 mai 1936, l'étincelle de la grève générale de mai-juin 36 (1936-2010 Luttes de classes, luttes de strates, une très brève étude)

Aujourd'hui, commence, sur le port du Havre une "sorte de grève reconductible". (mercredi 29 septembre 2010 :Est-ce que la grève générale reconductible pour révoquer Sarkozy commencera par cet appel de la CGT Dockers du port du Havre ?)

Une "grève générale reconductible" ou une caricature destinée à désamorcer la colère les dockers, la colère des travailleurs du Havre, la colère des chômeurs, miséreux et SDF de la ville ?
Une pseudo "lutte générale" dans une ville près de laquelle où l'on meurt de pauvreté, on meurt en plein air, on meurt SDF ?

1936 : Front Populaire OU Luttes de masse

En 1936, le Front Populaire - comme l'entrevoyait Léon Trotsky en 1935 (Où va la France ?) - réunissant la bourgeoisie coloniale du Parti Radical, la moyenne et la haute formoisie du Parti Socialiste et la petite et moyenne formoisie arriviste dans le Parti Communiste avait pour fonction d'empêcher que la colère des exploités et des exploiteurs-opprimés de la formoisie contre la bourgeoisie proto-fasciste ne se transforme en révolution anti-capitaliste.
Le mouvement de grève ne fut donc pas le "complément" de l'arrivée au gouvernement des partis réformistes. Il en fut le contraire. Il fut l'intervention directe des masses pour contrecarrer la veulerie collaborationniste des réformistes formois.
Les occupations d'usine, comme l'écrivit Trotsky, furent le signe que "La révolution française a commencé".
Le révolutionnaire-centriste Pierre Monatte (textes), dans son article du 24 juin 1936, nous fait la narration des évènements.

"En revenant du Mur

Examinons d'un peu près comment le mouvement est parti. Deux articles de L'Humanité nous seront d'un grand service. Le premier est un article, paru le 20 mai, sous la signature de Croizat, secrétaire de la Fédération des métaux et député communiste. Il fait le récit de la victoire remportée par les métallurgistes de l'usine Bréguet du havre. On trouve dans ce conflit les principaux caractères du grand mouvement: la grève dans l'usine, l'entretien du matériel, le paiement des deux journées de grève.
Le lendemain du 1er Mai, la direction de l'usine Bréguet avait congédié deux ouvriers, deux militants, pour avoir chômé la veille. Des délégations ouvrières se rendent auprès de la direction pour demander l'annulation de cette mesure. Une semaine se passe; les tentatives de négociations échouent. Le lundi 11 mai, la grève dans l'usine commence. Six cent ouvriers, la totalité du personnel, restent à l'usine la nuit du lundi au mardi. Devant la vigueur du mouvement et la sympathie qu'il trouve dans la population havraise, la direction Bréguet accepte l'arbitrage du député-maire du Havre, M. Léon Meyer. La sentence arbitrale comporte la réintégration des deux ouvriers congédiés, mais elle y ajoute autre chose, le paiement des journées de grève :
Considérant que, depuis de nombreuses années, il est constant dans l'industrie de laisser les ouvriers libres de chômer ou de travailler le 1er Mai, que cette tradition aurait dû d'autant plus être respectée qu'elle s'est produite dans le calme et sans qu'aucune pression de débauchage ait été exercée;
Considérant en conséquence que les raisons pour lesquelles Friboulet et Vachon ont été congédiés ne sauraient être admises;
Décide:
Qu'il y a lieu pour les établissements Bréguet de les réintégrer dans leur emploi;
Considérant, d'autre part, que la manifestation unanime de solidarité à laquelle ont pris part les ouvriers desdits établissements a été la conséquence d'un acte qui n'aurait pas dû se produire;
Dit qu'il y a lieu de ce fait d'opérer le paiement des journées normales des 11 et 12 mai.
Un exemple comme celui du Havre méritait d'être connu. Croizat avait raison de lui donner la publicité de L'Humanité. Si l'on peut s'étonner de quelque chose, c'est que les autres journaux ouvriers n'en aient pas fait autant et que cet événement ouvrier significatif n'ait été rendu public qu'avec huit jours de retard.
Cet exemple était-il d'initiative communiste ? C'est peu probable. Le mouvement avait été mené par le syndicat des métaux et par l'union locale du Havre, à la vieille tradition syndicaliste révolutionnaire. Qu'il soit d'inspiration syndicaliste ou communiste, d'ailleurs cela importe peu; ce qui importait, c'était de donner cet exemple et de le faire connaître. Un pareil exemple devait faire des petits. L'idée en était dans l'air. Presque au même moment que les métallos du havre, ceux des usines Latécoère, à Toulouse, accomplissaient les mêmes gestes.

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Il est révélateur du "centrisme révolutionnaire" de Pierre Monatte de lire le passage qui précédait le texte qu'on vient de lire :


Ne perdons pas de vue non plus le facteur décisif qu'a été le Front populaire. Pas de méprise non plus de ce côté. Surtout devant les jugements catégoriques, devant les condamnations impitoyables que prononcent un certain nombre de groupes et de sectes oppositionnels. Je ne sais pas si nous l'avons écrit, mais nous avons dit souvent à la veille de ces événements: "Impossible de savoir ce que donnera le gouvernement du front populaire. Peut-être pas grand-chose. Mais, à son abri, nous pourrons reconstruire notre organisation syndicale, c'est-à-dire ramener au syndicat les travailleurs de l'industrie privée et leur redonner confiance en eux. Si nous pouvons faire cela, ce ne sera pas rien. Et, quand le Front populaire s'effondrera, s'il s'effondre, il restera une classe ouvrière capable de se défendre, et même de continuer la lutte. Nous ne devons pas nous dresser contre le gouvernement de Front populaire; nous ne devons rien faire pour contrecarrer et empêcher son expérience; nous devons l'appuyer dans toute la mesure de nos forces chaque fois qu'il travaille dans notre sens; nous ne devons rien faire qui puisse permettre, même à tort, de rejeter sur le mouvement syndical la responsabilité de l'échec de cette expérience de Front populaire."
 Nous ne pensions pas que les événements nous donneraient si vite et si largement raison. Par le seul fait de sa naissance, le gouvernement de Front populaire a donné à la classe ouvrière plus que nous n'osions espérer de six mois d'efforts à son abri. Dans son premier mois d'existence, à la suite d'une merveilleuse vague de grèves, il a fait signer les accords Matignon, instituant les contrats collectifs et les délégués d'ateliers, il a fait voter toute une série de lois sur les 40 heures, sur les vacances payées.
Accords et lois ne seront respectés et appliqués que si la classe ouvrière en impose le respect et l'application. Bien sûr. Mais les syndicats ne sont-ils pas là pour cela ?

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Relire, 74 ans plus tard des propos tels que

quand le Front populaire s'effondrera, s'il s'effondre, il restera une classe ouvrière capable de se défendre, et même de continuer la lutte.

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... nous montre la naïveté des dilettantes en politique. Même les plus dévoués, les moins intéressés, les moins corrompus poussent les masses vers la catastrophe quand la science sociologique n'est pas le SOCLE indispensable à la construction programmatique.
Tous les "rebelles" prétendus qui appellent actuellement à la "grève générale reconductible" sans se soucier des avertissements donnés par Trotsky en 1935 sont pareillement des irresponsables.

L'urgence, pour les dockers du Havre, comme pour les chômeurs du Havre, l'urgence pour les travailleurs en poste ou exclus (qu'ils soient en France, en Europe, en Afrique) c'est l'auto-organisation.
Ce sont les masses elles-mêmes qui doivent affirmer leur volonté. Il faut les "comités d'action du 21° siècle", il faut la délégation générale révocable !

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