" Il n’y a qu’un moyen pour faire réussir la révolution turque, c’est de réunir autour d’un programme vraiment révolutionnaire et démocrate tous les éléments populaires de la Turquie (...).On voit l'intelligence proto-néomarxiste de ces militants archéo-marxistes. Ils ne résumaient pas toute la situation politique à une opposition binaire : méchants capitalistes et gentil prolétariat avec des fantômes au milieu.
Mais le parti « jeune turc » sera-t-il en état d’accomplir cette union ?
En effet, quel est le caractère social du mouvement jeune turc ? Le peuple des campagnes et le prolétariat turcs sont encore sous l’influence du clergé. La bourgeoisie musulmane, parmi laquelle les jeunes turcs comptent quelques sympathies, est sans grande importance. Une longue évolution historique a transformé la bourgeoisie turque en caste des militaires et fonctionnaires, tandis que c’est la bourgeoisie chrétienne qui s’occupe de l’industrie et du négoce.
De cette manière, le seul milieu où les jeunes turcs sont populaires, c’est celui de l’armée et de la bureaucratie. Ces deux éléments peuvent garantir à une révolution un succès aussi prompt que passager. Mais une manœuvre habile du sultan, appelant au pouvoir le plus grand nombre possible des jeunes turcs, peut désorganiser et compromettre tout le mouvement."
L'ami de Trotsky aurait même été capable de conceptualiser la formoisie et d'en voir le rôle contradictoire dans les révolutions.
Ce texte, chaque manifestant de la place Taksim devrait le lire !
Comme il devrait lire l'article qui actualise cette problématique :
dimanche 2 juin 2013
2.013 Türk devrimi: "Nous resterons jusqu'à ce que Erdogan démissionne" (Révolution Turque de 2013)
par Yanick Toutain
Başbakan Erdoğan, ordunun kontrol etmek için çabalıyor.
O PKK'nın nötralize etmek istedim.
Erdoğan olmak istedim "İslamofaşizt Atatürk."
O gün geldiğinde, inekler eve.
"Le premier ministre Erdogan a voulu contrôler l'armée."Nous resterons jusqu'au bout, jusqu'à ce que Tayyip démissionne."
Il a voulu neutraliser le PKK.
Il veut devenir le Mustafa Kémal Ataturk version islamofasciste.
Cela arrivera quand les poules auront des dents. "
Taylan, jeune militant d'extrême-gauche dont le corps
porte les stigmates de trois jours d'intense lutte
contre les force de police n'en démord pas. (JDD 2/6/13)
"La manifestation était inhabituelle en ce qu'elle réunissait
jeunes et vieux, militants de droite et gauchistes
ainsi que les nationalistes Turcs et les Kurdes."
(commentaire étonné de Constanze Letsch
à Istanbul journaliste du Gardian britannique)
C'est en effet la classe formoise qui est la pire ennemi de la Révolution Turque de 2013 : cette classe de spoliateurs se prétend rebelle quand elle ne veut que des miettes supplémentaires de la bancocratie !
Quand l'urgence est de former une pyramide de délégués révocables, ceux qui se défoulent dans des affrontements stériles sont des obstacles à la révolution.
"VOICI LA TURQUIE AUSSI ENTREE
DANS LE MOUVEMENT REVOLUTIONNAIRE" (C.R.)
"Après la Russie et la Perse, voilà la Turquie aussi entrée dans le mouvement révolutionnaire. Mais, ce qui caractérise la Révolution turque, c’est sa rapide évolution et son succès prompt, au moins en apparence. Dans l’espace de deux semaines, l’armée en révolte devient la maîtresse du gouvernement en Macédoine. Le sultan, effrayé, s’empresse d’accorder une constitution ou, plutôt, de rétablir celle de 1876. ainsi, voilà la dernière autocratie en Europe renversée." (...)
CE PARTAGE, AVANT LA MORT,
DE LA SUCCESSION DE "L'HOMME MALADE"
S'ACCOMPLIT AVEC UN GRAND SUCCES,
"Incontestablement, si quelqu’un est intéressé à une solution définitive de cette question, c’est, après les populations de l’Orient turc, le prolétariat. La Turquie d’aujourd’hui est un champ ouvert aux menées capitalistes et impérialistes de tous les pays. Tous, en attendant la dislocation de cet empire, pour s’emparer d’une partie de ses territoires, cherchent à prendre dès à présent une plus grande place dans la maison, à se faire octroyer plus de concessions et de privilèges. Et il faut reconnaître que ce partage, avant la mort, de la succession de « l’homme malade » s’accomplit avec un grand succès.
Grâce à un sultan qui ne songe qu’à sa propre conservation et à une bureaucratie despotique, ignorante et vénale, les oiseaux de proie de tous les pays, les représentants du capitalisme triomphant, ont réussi à établir leurs nids dans tous les coins de ce vaste empire. D’autre part, en foule bariolée, les propagandes nationalistes, bulgare, roumaine, serbe, grecque et autres, cherchent par le glaive, le feu et l’argent à élargir leur sphère d’influence.
Et tout ceci aux dépens des peuples de la Turquie, abandonnés de tous et à tous, luttant seuls avec leur désespoir et leur impuissance contre la tyrannie du sultan, les intrigues de leurs co-nationaux des autres pays et les appétits insatiables des puissances dites protectrices.
UNE REVOLUTION QUI DONNERAIT L'INITIATIVE ET
LA LIBERTE D'ACTION AUX PEUPLES DE TURQUIE....
APPORTERAIT PAR CELA MEME LA SOLUTION DE LA QUESTION D'ORIENT (C.R.)
Une révolution qui donnerait l’initiative et la liberté d’action aux peuples de la Turquie en refoulant ou en réduisant l’influence de tous ces facteurs néfastes, apporterait par cela même la solution de la question d’Orient.
Seule, une Turquie régénérée, démocratique et forte, pourrait répéter avec succès le fameux : « A bas les pattes ! » de Gladstone, et ainsi couper court à tous les appétits que son état de décomposition provoque chez des voisins proches et éloignés.
Les conséquences, pour la paix et pour la cause du prolétariat qu’un tel changement apporterait sont incalculables. En général, il faut dire – et c’est ici la grande importance historique du réveil de tous les peuples d’Orient et d’Extrême Orient – que le refoulement de l’impérialisme agressif et cupide de l’Empire capitaliste fera ressortir avec une plus grande clarté la nécessité de chercher dans une autre organisation de travail national la solution des difficultés que créent la surproduction et l’anarchie capitalistes.
La soupape coloniale n’existant plus, il faudra, bon gré mal gré, chercher la véritable solution de la justice sociale.
"
LA FORMOISIE BUREAUCRATIQUE ET LA FORMOISIE MILITAIRE
Le texte de Christian Rakovski fait révélateur : c'est la formoisie bureaucratique et la formoisie militaire qui étaient les deux principaux soutiens des Jeunes Turcs .
On retrouve les mêmes débats que ceux qui eurent lieu au Burkina-Faso, en Guinée Conakry et, récemment, au Mali : Etaient-ce des révolutions ou des coups d'Etat ?
C'est le concept de formoisie, de formoisie militaire, de formoisie bureaucratique qui éclairent cela :
Il est indéniable que 1983 fut l'année de la Révolution Burkinabé de 1983.
Il tout aussi indéniable que mars 2012 fut le mois de la Révolution Malienne de mars 2012. Quand bien même la formoisie malienne refuse de l'admette et qu'elle utilise le vocabulaire "Coup d'Etat" de l'impérialisme.
La révolution du 24 juillet 1908
En 1908, le Sultan s'inquiète de l'agitation qui règne dans l'Empire et envoie des agents pour enquêter sur les « Jeunes-Turcs » en Macédoine.
Se sachant découverts, des officiers membre du CUP encouragent les mutineries et se lancent dans une guérilla avec le soutien d'une partie de la population. Niazi, l'un des dirigeants du CUP, quitte avec son unité la ville de Resne et se retranche dans les montagnes de la Macédoine méridionale. Enver Pacha se dépêche de publier un manifeste dénonçant l'autoritarisme du Sultan et annonce le début de la révolution. Pourtant, rien n'est vraiment organisé, le CUP comptant à peine trois cents membres et la réaction de l'armée demeure inconnue. Abdülhamid II intervient en dépêchant un régiment pour combattre les rebelles, mais les soldats fraternisent avec les insurgés. Le Sultan donne alors l'ordre d'envoyer une division d'élite en Macédoine, mais celle-ci refuse de marcher. Par la suite il appelle des troupes spéciales de l'intérieur de l'Anatolie, mais comme pour les autres unités, elles se solidarisent avec les révolutionnaires. Des soulèvement de civils encadrés par le CUP se produisent partout en Macédoine obligeant le Sultan à céder. Le 24 juillet, Abdülhamid II restaure la constitution de 1876 et annonce la tenue d'élections en décembre, que le CUP remporte de manière écrasante. Les chefs du CUP se donnent alors pour tâche principale de régénérer l'Empire en lui appliquant des institutions calquées sur celles des États occidentaux. Mais la structure ethnique, sociale et religieuse de l'Empire ottoman n'a rien de semblable avec celle des autres États européens, du fait de l'existence de fortes minorités nationales. Il est alors difficile pour les Jeunes-Turcs de réunir les Grecs, les Turcs, les Arméniens, les Kurdes et les Arabes au sein d'un même État. Norbert Von Bischoff affirme que « chacun de ces hommes appartenait à un monde physique et spirituel différent de celui de ses voisins et n'avait, avec ses collègues, aucune idée commune sur la forme et la mission de l'État à créer »4.
Manifestation contre le Sultan
à Istanbul, 1908
Néanmoins, les Jeunes-Turcs n'ont pas le temps d'appliquer leur programme, car ils font face au retour de nombreux vieux politiciens qui avaient été exilés par Abdülhamid II ; il y a parmi eux des grands vizirs, des princes, des ministres, de hauts fonctionnaires… Ceux-ci profitent des élections pour évincer les révolutionnaires du CUP et prendre le contrôle du parti. Les artisans de la révolution quittent alors l'Anatolie, Niazi vers l'Albanie où il se fait assassiner, et Enver à Berlin où il a été nommé attaché militaire. La corruption est alors à son comble, et des mutineries éclatent en Albanie et en Arabie. Six mois après la promulgation de la Constitution, la situation est pire qu'elle ne l'a jamais été.
En avril 1909, constatant que l'anarchie grandit de jour en jour, des partisans du Sultan retrouvent de l'assurance. Ils dépêchent partout des prêtres et des hodjas[Quoi ?] pour convaincre la population que le but des Jeunes-Turcs est la destruction de l'islam et du califat. Les régiments de la garnison d'Istanbul se mutinent, et des islamistes et des cadets de l'armée tentent de réaliser une contre-révolution pour dissoudre, entre autres, le parlement et pour arrêter plusieurs membres du CUP. Ils réclament le retour du pouvoir du Sultan, l'abolition de la constitution et la mise en place d'un régime islamiste dur. La situation est alors très grave pour le CUP qui vient de se faire expulser d'Istanbul ; les officiers appellent alors l'armée de Macédoine dirigée par un général d'origine arabe, Mahmoud Chevket. Ce dernier donne l'ordre à la deuxième et à la troisième armées de marcher sur Istanbul ; elles y pénètrent le 24 avril 1909.
Enver, revenu en toute hâte de Berlin, commande le détachement de la cavalerie de la première division mixte ; quant à Mustafa Kemal, il occupe les fonctions de chef d'état-major. Il est possible que le Sultan ait alors manipulé cette opposition islamiste, en particulier les étudiants des Softa[Quoi ?], fer de lance de l'opposition. Le Sultan Abdülhamid II se fait alors interner dans la villa Allatini à Salonique et il est remplacé par son frère Mehmed V (1909-1918) qui n'aura aucun pouvoir réel, marquant la fin de la monarchie absolue ottomane.
Les Jeunes-Turcs rendent alors à l'Empire ottoman sa constitution, et lui donnent une devise empruntée à la France, « Liberté, Égalité, Fraternité », qui laisse dans un premier temps espérer un avenir meilleur aux minorités de l'Empire.
Les Jeunes-Turcs arrivent au pouvoir
Avec l'exemple de l'Égypte comme avertissement, les Jeunes-Turcs ont dû moderniser les communications de l'Empire et les réseaux de transport (qui se fondaient toujours sur des caravanes de chameaux) sans se placer entre les mains des conglomérats et des banquiers européens. Les Européens possédaient déjà le réseau de chemins de fer (5.991 kilomètres de chemins de fer à voie unique dans la totalité des territoires de l'Empire ottoman en 1914), et depuis 1881 l'administration de la dette extérieure avait été transférée de l'Empire ottoman, l'homme malade de l'Europe aux mains des Européens.
L'auteur de l'article est un compagnon de route de Léon Trotsky. Il fut un internationaliste citoyen du monde.
UN REVOLUTIONNAIRE SANS FRONTIERES : Christian Rakovski
Christian Georgiévitch Rakovski (né Khristo Gheorghev Stantchev, 13 août 1873, Kotel, Bulgarie – 11 septembre 1941, Moscou, URSS) est un médecin, citoyen roumain d'origine bulgare, socialiste révolutionnaire devenu ensuite homme politique et diplomate soviétique. Militant connu de la Deuxième Internationale avant la Première Guerre mondiale, principale figure du mouvement socialiste roumain, ce médecin polyglotte, journaliste et militant traversa de nombreux pays d'Europe et fut expulsé de plusieurs d'entre eux pour ses activités politiques. Ami de Léon Trotski durant toute sa vie, il participa à la conférence de Zimmerwald. Emprisonné par les autorités roumaines, il s’enfuit vers la Russie où il rejoignit le parti bolchévique après la révolution d’octobre 1917. Par la suite, il fut l'un des membres fondateurs de l'Internationale communiste, il devint chef du gouvernement de la République socialiste soviétique ukrainienne. Il prit part à la conférence de Gênes en 1922. Il fut ambassadeur soviétique à Londres et à Paris. Il s’opposa à Joseph Staline et rallia l’Opposition de gauche. Se soumettant à l’autorité de Staline en 1934, il fut brièvement réintégré. Rakovski fut néanmoins impliqué dans le procès des vingt et un (une partie des procès de Moscou), emprisonné et exécuté par le NKVD pendant la Seconde Guerre mondiale.Christian Rakovski
Кръстьо Раковски
Xристиян Георгиевич Раковски
Cristian Racovski
Données clés Naissance 13 août 1873
Gradets, BulgarieDécès 11 septembre 1941 (à 68 ans)
Orel, Union des républiques socialistes soviétiquesProfession Révolutionnaire, Médecin, journaliste, politicien et diplomate
extrait de sa biographie antérieure à 1908 et à la rédaction de son article :
À dix-sept ans, ce brillant jeune homme, charmeur et polyglotte, alla étudier la médecine à Genève où il ne tarda pas à rencontrer de nombreux exilés politiques socialistes, à commencer par le russe Gueorgui Plekhanov et la jeune Rosa Luxemburg. En quelques années, étudiant en Suisse, en Allemagne puis en France, il se fit connaître et apprécier de l'ensemble du mouvement socialiste européen. Influent parmi les petites communautés d'étudiants bulgares exilés, il fut dès 1893 délégué au congrès de la Deuxième Internationale à Zurich où il eut l'occasion de rencontrer le vieil Engels. L'année suivante, il devint correspondant du Vorwärts, le principal quotidien social-démocrate allemand et entretint une relation amicale avec Wilhelm Liebknecht. Expulsé de Prusse comme « anarchiste », Christian Rakovski termina ses études de médecine en France. C'est là qu'il soutint sa thèse en 1896.
En Suisse, Rakovski s'était lié avec une étudiante socialiste russe, Elisaveta Pavlovna Ryabova. C'est par elle qu'il s'intéressa d'abord à la Russie. Ils se marièrent en 1898. La même année, il fut incorporé comme lieutenant médecin dans l'armée roumaine. Après son service militaire, Christian Rakovski tenta de s'établir à Saint-Pétersbourg. Rapidement expulsé pour ses activités politiques, il ne put revenir qu'au prix d'un important pot-de-vin. Mais, en 1901, sa femme mourut en couches avec son nouveau-né.
Séjournant en France entre 1902 et 1904, Christian Rakovski se fit connaître et apprécier dans le mouvement socialiste français. Il devint correspondant pour les Balkans de l'Humanité, le quotidien nouvellement fondé par Jean Jaurès. Il tenta vainement d'obtenir la nationalité française.
À la tête du mouvement socialiste roumain
De retour en Roumanie, Christian Rakovski s'impliqua totalement dans le soutien aux mouvements de grève qui secouèrent le pays à partir de 1905. Influencés par les événements qui se déroulaient au même moment en Russie, des milliers d'ouvriers de la jeune industrie roumaine exigèrent des augmentations de salaire et une amélioration de leurs conditions de travail, malgré les violences policières et l'envoi de la troupe contre eux. Rakovski contribua au développement des syndicats roumains notamment en organisant un congrès ouvrier.
En mars 1905, il lança un hebdomadaire socialiste, România muncitoare (La Roumanie ouvrière), dont l'activité fut le noyau autour duquel se regroupa le futur parti social-démocrate de Roumanie, fondé en 1910.
Pendant l'été 1905, les marins mutinés du cuirassé Potemkine, en partie d'origine moldave se réfugièrent à Constanţa, en Roumanie. Rakovksky dépensa beaucoup d'énergie pour prendre leur défense, exiger du gouvernement roumain qu'il leur accorde l'asile politique et faire connaître leur histoire au monde entier. Le gouvernement accorda lasile, mais rendit au Tzar son cuirassé. Rakovksky fournit personnellement de l'aide et du travail à certains d'entre eux.
Début 1907, une importante révolte paysanne, impliquant des milliers de villages et plus de quarante mille insurgés, éclata en Roumanie en raison de mauvaises récoltes et du système des grandes propriétés: les aristocrates, résidant dans la capitale ou à l'étranger, sous-louaient leurs immenses domaines à des exploitants (souvent grecs, juifs ou arméniens, d'où le qualificatif non-sourcé de pogrom parfois donné à cette révolte) qui pressuraient les paysans jusqu'au bord de la famine, vendant les grains à des firmes agro-alimentaires internationales (notamment allemandes et britanniques). Les insurgés désespérés prirent d'assaut les manoirs des propriétaires, les offices des sous-loueurs, des mairies, des préfectures, des entrepôts ferroviaires. Le gouvernement libéral du roi Carol, mena une répression féroce contre les paysans révoltés qui fit 11 000 morts parmi les insurgés. Le journal de Rakovski prit courageusement position en faveur des insurgés, invitant les soldats à ne pas tirer sur les paysans et même à les rejoindre avec armes et bagages.
Craignant son activité révolutionnaire, le gouvernement roumain prit prétexte de l'origine bulgare de Rakovski pour le déchoir, en toute illégalité, de la nationalité roumaine fin 1907, au moment où il se trouvait à Stuttgart pour un congrès de l'Internationale. Des protestations s'élevèrent contre cette décision dans la presse socialiste européenne. Christian Rakovski n'était pas particulièrement attaché à sa nationalité roumaine, mais il tenait à mener le combat politique pour sa réintégration. En 1909, il tenta de rentrer clandestinement en Roumanie et fut refoulé. Une manifestation ouvrière en sa faveur eut lieu, qui fut brutalement réprimée. Finalement, en 1912, au terme d'une longue bataille juridique, Christian Rakovski recouvra sa nationalité, juste à temps pour dénoncer les Guerres balkaniques de 1912-1913.
DEBUT
"Le Socialisme", 1 août 1908.
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La révolution turque
Kh. Rakovsky
Après la Russie et la Perse, voilà la Turquie aussi entrée dans le mouvement révolutionnaire. Mais, ce qui caractérise la Révolution turque, c’est sa rapide évolution et son succès prompt, au moins en apparence. Dans l’espace de deux semaines, l’armée en révolte devient la maîtresse du gouvernement en Macédoine. Le sultan, effrayé, s’empresse d’accorder une constitution ou, plutôt, de rétablir celle de 1876. ainsi, voilà la dernière autocratie en Europe renversée. Le mot du général Ignatief, ambassadeur russe à Constantinople, à l’époque où fut proclamée la première constitution turque. « Nous ne permettrons pas que la Russie reste le seul pays sans constitution en Europe », n’a plus aucune raison d’être. Théoriquement, au moins, toute l’Europe est aujourd’hui constitutionnelle.
Mais, si les changements en Turquie présentent un intérêt général, c’est en rapport avec la trop fameuse question d’Orient.
Sommes-nous à la veille de sa solution et par conséquent de la suppression d’une des plus grandes causes de guerre ?
Incontestablement, si quelqu’un est intéressé à une solution définitive de cette question, c’est, après les populations de l’Orient turc, le prolétariat. La Turquie d’aujourd’hui est un champ ouvert aux menées capitalistes et impérialistes de tous les pays. Tous, en attendant la dislocation de cet empire, pour s’emparer d’une partie de ses territoires, cherchent à prendre dès à présent une plus grande place dans la maison, à se faire octroyer plus de concessions et de privilèges. Et il faut reconnaître que ce partage, avant la mort, de la succession de « l’homme malade » s’accomplit avec un grand succès.
Grâce à un sultan qui ne songe qu’à sa propre conservation et à une bureaucratie despotique, ignorante et vénale, les oiseaux de proie de tous les pays, les représentants du capitalisme triomphant, ont réussi à établir leurs nids dans tous les coins de ce vaste empire. D’autre part, en foule bariolée, les propagandes nationalistes, bulgare, roumaine, serbe, grecque et autres, cherchent par le glaive, le feu et l’argent à élargir leur sphère d’influence.
Et tout ceci aux dépens des peuples de la Turquie, abandonnés de tous et à tous, luttant seuls avec leur désespoir et leur impuissance contre la tyrannie du sultan, les intrigues de leurs co-nationaux des autres pays et les appétits insatiables des puissances dites protectrices.
Une révolution qui donnerait l’initiative et la liberté d’action aux peuples de la Turquie en refoulant ou en réduisant l’influence de tous ces facteurs néfastes, apporterait par cela même la solution de la question d’Orient.
Seule, une Turquie régénérée, démocratique et forte, pourrait répéter avec succès le fameux : « A bas les pattes ! » de Gladstone, et ainsi couper court à tous les appétits que son état de décomposition provoque chez des voisins proches et éloignés.
Les conséquences, pour la paix et pour la cause du prolétariat qu’un tel changement apporterait sont incalculables. En général, il faut dire – et c’est ici la grande importance historique du réveil de tous les peuples d’Orient et d’Extrême Orient – que le refoulement de l’impérialisme agressif et cupide de l’Empire capitaliste fera ressortir avec une plus grande clarté la nécessité de chercher dans une autre organisation de travail national la solution des difficultés que créent la surproduction et l’anarchie capitalistes.
La soupape coloniale n’existant plus, il faudra, bon gré mal gré, chercher la véritable solution de la justice sociale.
Mais, en dehors, de cette conséquence générale et éloignée, la Révolution turque en aurait d’autres plus immédiates et plus pratiques au point de vue de la politique extérieure de tous les groupes balkaniques et occidentaux dont la vie est liée à celle de la Turquie. Ce sera une détente générale et peut-être une cause de diminution des armements.
C’est pourquoi, nous le répétons, le prolétariat devrait saluer avec enthousiasme la Révolution turque.
Mais, sommes-nous en présence d’une révolution ou d’un pronunciamiento militaire sans grandes conséquences ? L’avenir proche nous le dira. Pourtant, il nous semble que, dès son commencement, la Révolution turque montre une très dangereuse tendance de déviation.
Il est incontestable que le seul moyen d’apaiser la Turquie, agitée par tant de passions, c’est la liberté la plus large possible. Il n’y a qu’elle qui, satisfaisant les revendications justes des divers peuples de l’empire, peut les unir dans un esprit de solidarité commune. Malheureusement la puissance des jeunes turcs est, sous ce rapport, complètement insuffisante. La constitution de 1876, dont ils ont demandé et obtenu le rétablissement, laisse beaucoup à désirer. Elle laisse le pouvoir du sultan autocrate presque intact.
D’un autre côté, les jeunes turcs, frappés sans doute de l’état de décomposition dans lequel se trouve l’empire, n’ont en vue qu’une chose : fortifier à outrance le pouvoir central. A la place du sultan autocrate il y aurait une oligarchie non moins autocrate. Or, il n’y a pas un pays qui se prête moins à un tel régime que la Turquie avec la diversité des langues, des mœurs et des conditions sociales et économiques que présentent ses diverses provinces. Et c’est ici précisément le grand écueil que les jeunes turcs ne veulent pas voir. Ils ne veulent pas comprendre cette vérité historique que c’est seulement dans la fédération de tous les peuples de l’empire que gît son salut et que l’ancien mot « autonomie ou anatomie » – c’est-à-dire fédération ou démembrement – reste aujourd’hui beaucoup plus vrai que jamais.
En effet, actuellement, après tant de luttes sanglantes, les peuples de la Turquie subiront encore moins qu’il y a trente-deux ans la tyrannie d’un pouvoir central mi-absolutiste que nous promet la Constitution de 1876. Nous n’ignorons pas les difficultés dont est hérissée la voie de la révolution turque, mais les jeunes turcs aggravent eux-mêmes les difficultés en s’empressant de pactiser avec Abdul-Hamid. C’est le pacte avec le diable qui, nous le craignons, sera fatal au mouvement. Il n’y a qu’un moyen pour faire réussir la révolution turque, c’est de réunir autour d’un programme vraiment révolutionnaire et démocrate tous les éléments populaires de la Turquie sans distinction de race et de religion.
Mais le parti « jeune turc » sera-t-il en état d’accomplir cette union ?
En effet, quel est le caractère social du mouvement jeune turc ? Le peuple des campagnes et le prolétariat turcs sont encore sous l’influence du clergé. La bourgeoisie musulmane, parmi laquelle les jeunes turcs comptent quelques sympathies, est sans grande importance. Une longue évolution historique a transformé la bourgeoisie turque en caste des militaires et fonctionnaires, tandis que c’est la bourgeoisie chrétienne qui s’occupe de l’industrie et du négoce.
De cette manière, le seul milieu où les jeunes turcs sont populaires, c’est celui de l’armée et de la bureaucratie. Ces deux éléments peuvent garantir à une révolution un succès aussi prompt que passager. Mais une manœuvre habile du sultan, appelant au pouvoir le plus grand nombre possible des jeunes turcs, peut désorganiser et compromettre tout le mouvement.
Les jeunes turcs auraient pu trouver un appui solide dans la bourgeoisie et le prolétariat chrétiens de la Turquie, mais auront-ils la clairvoyance et le courage moral pour un tel acte ?
De même ils auraient pu entraîner les masses musulmanes par la promesse de réformes sérieuses. L’avenir nous montrera s’ils en sont capables. De leur attitude en tout cas dépendra que la révolution turque ne soit pas un replâtrage, mais un mouvement fertile en conséquences politique et sociale pour l’humanité entière.
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